(La Croix, 1-IX-2012)
La Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX), si elle accepte les conditions posées par Rome à son retour dans l’Église, pourrait se voir attribuer le statut de prélature personnelle. Un statut récent dans l’Église qui présente des facilités assorties de contraintes
COMMENT EST ORGANISÉE L’ÉGLISE ?
Depuis toujours, l’Église catholique a fondé son organisation sur une base territoriale : l’ensemble des baptisés résidant sur un même territoire, le diocèse, sont placés sous la juridiction d’un évêque diocésain, appelé l’« ordinaire ».
Cependant, le code de droit canonique prévoit quelques exceptions « non territoriales ». Le canon 372 prévoit ainsi (alinéa 2) : « Là, où, au jugement de l’autorité suprême de l’Église après qu’elle ait entendu les conférences des évêques concernés, l’utilité s’en fait sentir, des Églises particulières distinctes par le rite des fidèles ou pour toute autre raison semblable pourront être érigées sur ce territoire. ».
Parmi ces exceptions, les militaires (qui relèvent des ordinariats militaires ou diocèses aux armées), les fidèles d’autres rites catholiques que le rite latin obligés d’émigrer de leur territoire historique (Canon 28 du code des Églises orientales). Benoît XVI a également créé, par la constitution apostolique Anglicanorum Coetibus du 4 novembre 2009, des « ordinariats », sur une base territoriale, pour accueillir des fidèles de rite anglican désireux de rejoindre l’Église catholique.
Enfin, si le nombre des fidèles concernés n’apparaît pas suffisant ou stable pour justifier la création d’une juridiction non-territoriale des aumôneries assurent l’animation apostolique de ces communautés (migrants, exilés, réfugiés, nomades, navigateurs, etc..).
Qu’est-ce qu’une prélature personnelle ?
Dans ce contexte, la prélature personnelle est une nouvelle forme de juridiction non territoriale voulue par Vatican II. Le décret conciliairePresbyterorum ordinis (du 7 décembre 1965), établit (n° 10) que, « là où les conditions de l’apostolat le réclameront, on facilitera des activités pastorales particulières pour les différents milieux sociaux à l’échelle d’une région, d’une nation ou du monde entier », et que l’on pourra ainsi créer à l’avenir, « des diocèses particuliers ou des prélatures personnelles ». Cette évolution a été confirmée par le nouveau code de droit canonique de 1983 (Titre IV, § 294-297). Il prévoit notamment (canon 294) : « Pour promouvoir une répartition adaptée des prêtres, ou pour accomplir des tâches pastorales ou missionnaires particulières en faveur de diverses régions ou de divers groupes sociaux, des prélatures personnelles constituées de prêtres et de diacres du clergé séculier peuvent être érigées par le Siège Apostolique, après qu’il ait entendu les conférences des Évêques concernées. »
Cette circonscription ecclésiastique fonctionne comme un diocèse. Elle peut donc incardiner des prêtres et des diacres. Mais parce qu’elle est orientée vers un apostolat spécifique, elle n’est pas circonscrite à un territoire. Ses membres sont affectés à des œuvres pastorales ou missionnaires nécessitant des clercs spécialement préparés.
QUI ÉRIGE ET GOUVERNE UNE PRÉLATURE PERSONNELLE ?
Seul le Saint-Siège est compétent pour ériger une telle prélature. Celle-ci est dirigée par un prélat, nommé par le pape. À Rome, son fonctionnement est supervisé par la Congrégation pour les évêques. Le bon fonctionnement d’une prélature personnelle suppose une bonne régulation des relations avec les « ordinaires », les évêques locaux, afin d’éviter une dispersion des forces apostoliques. L’Opus Dei est aujourd’hui la seule prélature personnelle existante. Fondée le 2 octobre 1928 en Espagne par Mgr José Maria Escriva de Balaguer (béatifié le 17 mai 1992 et canonisé le 6 octobre 2002 par Jean-Paul II), l’Opus Dei est une organisation de laïcs catholiques qui cultivent leur vocation de recherche de la sainteté au sein de la vie quotidienne, familiale et professionnelle.
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Le 28 novembre 1982, par la constitution apostolique Ut Sit, Jean-Paul II lui a accordé le statut de prélature personnelle. Ses prêtres relèvent donc de la juridiction de leur prélat, aujourd’hui Mgr Javier Echevarria Rodriguez, tout en restant soumis aux dispositions générales des diocèses où ils exercent leur ministère. C’est en concertation avec le prélat, selon le canon 297 du code de droit canonique, que l’évêque local peut confier à ces prêtres des missions diocésaines. L’Opus Dei compte environ 85 000 membres (dont 98 % de laïcs) répartis dans 60 pays (environ 1 600 en France).
SI LA FSSPX DEVIENT UNE PRÉLATURE PERSONNELLE, COMMENT S’INTÉGRERAIT-ELLE DANS L’ÉGLISE ?
Tout d’abord, de fortes tensions existent au sein de la FSSPX face aux conditions posées par Rome pour la création d’une prélature. Rome a bien précisé que les discussions en cours ne se poursuivraient qu’avec Mgr Bernard Fellay, supérieur de la FSSPX, qui semble favorable à une telle prélature. Mais Mgr Bernard Tissier de Mallerais, l’un de ses quatre évêques, a déclaré, le 14 juin 2012 à l’hebdomadaire d’extrême droiteRivarol : « Ce statut qu’on nous propose (…) est un statut pour un état de paix. Mais actuellement nous sommes dans un état de guerre dans l’Église. »
Depuis toujours, plusieurs composantes (ordres et congrégations religieuses aux charismes déterminés, mouvements et services d’Église divers) doivent s’articuler au sein des diocèses, autour d’une même finalité apostolique. Cette diversité est vécue selon les principes de subsidiarité, de coopération et de complémentarité.
Or, depuis sa création, la FSSPX a manifesté de profondes divergences avec Rome sur des thèmes sensibles : conception de Vatican II, liberté religieuse, liturgie, catéchèse, etc.. Qu’en sera-t-il avec les évêques locaux, eux-mêmes dépositaires de l’autorité ultime ?
Si une telle prélature devait être érigée, les institutions de la FSSPX déjà existantes (chapelles, prieurés, séminaires, écoles etc..) devraient s’intégrer dans les diocèses. Or, dans nombre de situations, leurs responsables se sont situés en opposition avec les dynamiques pastorales locales.
Enfin, toute nouvelle fondation nécessiterait l’accord de l’évêque du lieu. Les situations sont sur ce point très diverses, aujourd’hui pour l’Opus Dei comme demain pour la FSSPX. Ce qu’a clairement expliqué Mgr Tissier de Mallerais à Rivarol : « Selon le projet de prélature, nous ne serions pas libres d’implanter de nouveaux prieurés sans la permission des évêques locaux et en outre toutes nos récentes fondations devraient être confirmées par ces mêmes évêques. Ce serait donc nous asservir tout à fait inutilement à un épiscopat globalement moderniste.»
MOUNIER Frédéric
Fuente: http://www.la-croix.com/Archives/2012-09-01/La-prelature-personnelle-_NP_-2012-09-01-848533